Goût et dégoût

Les fameuses Rocky mountain oysters

Une sardine se mange ronde et entière”, me dit un internaute en commentaire de l’article Les sardines au barbecue. Ronde et entière, c’est-à-dire non vidée. Mais bon, les tripes de poisson, c’est dégoûtant, non ?  

Je voulais justement faire une série d’article sur le goût, on commence par le dégoût, finalement ce n’est pas une mauvaise approche.
Et ça tombe bien, car cet été j’ai visité le Musée de la nourriture dégoûtante à l’occasion d’un séjour à Malmö, en Suède.

Le Musée de la nourriture dégoûtante

Les expos du Disgustiin fodd Museum, à Malmö
Les expos du Disgusting food Museum à Malmö

Il s’agit d’une exposition temporaire dont le succès a été tel qu’elle a été transformée en musée permanent. L’expo a tourné en Europe, elle est notamment venue  à Nantes en 2019.
Le Disgusting food museum présente un panorama mondial d’une cinquantaine de plats. Il y a des choses exotiques, certes, mais l’Amérique et l’Europe ne sont pas en reste. L’expo montre des reconstitutions de mets et de plats, et aussi, pour certains d’entre eux, un bocal d’odeur que chaque visiteur peut ouvrir s’il le souhaite.

Un bocal à odeur au Musée de la nourriture dégoûtante
Un bocal à odeurs au Musée de la nourriture dégoûtante à Malmö

L’esprit de cet expo, c’est de montrer que le dégoût est surtout affaire de culture, d’éducation, d’habitude et le non-dégoût parfois une question de nécessité.

Voici quelques exemples de ce qu’on peut y découvrir :

  • Le stinky tofu : l’odeur rappelle celle de nos fromages les plus épouvantables, genre époisses ou vieux boulogne
  • Le vin de souris chinois (bébés souris macérées dans du vin de riz)
  • Les natto japonais, haricots fermentés aux bactéries intestinales
  • Les rocky montains oysters aux USA, aussi nommés prairie oysters au Canada (ce sont des testicules de taureau, on vous laisse chercher la photo dans l’article).
  • Une recette inuit, le kiviak : phoque éventré farci d’oiseaux qu’on laisse fermenter quelques mois (on mange les oiseaux).
  • Les bonbons de gélatine : ah ben oui, c’est dégoûtant, non ?
Les bonbons de gélatine, nourriture dégoûtante ?
Les bonbons, c’est dégoûtant, non ?
  • Le stinking bishop, fromage anglais qui sent « le vestiaire de club de rugby ».
  • Le garum des Romains (poisson fermenté ou poisson pourri)
  • Le casu marsu de Sicile (fromage envahi par les vers, on mange le tout).
  • La coriandre est appréciée par la plupart des gens. Mais 10% de la population lui trouve un goût de savon (c’est génétique).

Le dégoût des odeurs

Le dégoût de certaines odeurs est à peu près universel. Mais j’ai fait une curieuse expérience à Malmö : le musée propose un bocal diffusant l’odeur du fameux (?) sürstromming, le hareng fermenté en boîte de conserve. Boîte qu’il est conseillé d’ouvrir dehors, afin ne ne pas empester sa cuisine pour plusieurs semaines…

Des boîtes de surströmming
Des boîtes de sürstromming, hareng fermenté

Je me suis lancé, j’ai ouvert le bocal, et oui, c’est affreux, mais… mais oui, voilà une odeur connue, qu’ont trouve parfois dans les ports, quand un poisson a été oublié dans un recoin de bateau de pêche. Ou peut-être une odeur de Douarnenez, à l’époque où il y avait tant d’usines de sardines qu’il y en avait bien quelques-unes qui échappaient à la vigilance des pêcheurs ou à l’avidité des goélands. Bon, une odeur de poisson pourri, quoi. Pourri depuis des semaines. Une odeur affreuse, mais connue. Du coup, ça m’a fait plutôt plaisir de la sentir, un peu. Et l’odeur est restée dans ma tête pendant plusieurs jours.

Au chapitre des odeurs dégoûtantes, on peut citer :

  • L’odeur de levure (ça dépend des gens, personnellement, j’aime bien)
  • L’odeur de fermentation
  • L’odeur de pourri, bien sûr, à ne pas confondre avec les deux précédentes
  • L’odeur de fromage, mélange de fermentation, de rance, de caillé, voire d’ammoniac, elle est parfois terrible.

Le dégoût des textures

Le dégoût des enfants, c’est souvent la texture. La purée, par exemple. Beaucoup d’enfants aiment la purée, alors qu’à d’autres, ça donne envie de vomir !

C’est encore la texture, davantage que le goût, qui fait que certaines personnes ne toucheront jamais aux huîtres.

Le dégoût psychologique

Les tripes, une nourriture dégoûtante
Reconstitution d’un plat de tripes au musée de Malmö

Je n’ai jamais pu manger de tripes. Et pourtant, une fois, j’ai essayé, vraiment. J’ai accepté, par politesse, qu’on me serve une petite assiette, tout en prévenant que ce ne serait peut-être pas possible. J’ai planté ma fourchette dans un petit morceau, avec plein de bonne volonté, je l’ai portée à ma bouche… et stop. Je n’ai pas pu continuer, l’expérience a tourné court. Et pourtant, je mange de l’andouille, qui est sensiblement la même chose — ou pire — sans problème et même avec plaisir.

Je n’ai jamais mangé de viande de cheval, je ne mangerai jamais du chien, mais je mange du lapin alors que j’ai le (mauvais) souvenir de voir mon grand-père procéder à la mise à mort et à l’écorchement d’un de ces animaux mignons…
Ici encore, on peut citer les huîtres ; il faut reconnaître que manger du vivant, c’est un peu spécial.

La saveur dégoûtante

On peut être simplement dégoûté par la saveur : l’exemple de l’amertume chez les enfants est fréquent. Quand on est enfant, on n’aime pas la bière (tant mieux !), le café, l’endive, on a un peu de mal avec les choux… Puis, devenu adulte, on aime l’amertume lorsqu’elle vient en contrepoint d’autres saveurs (le chocolat noir, l’artichaut cru, la chicorée, le Schweppes, le spritz… voir aussi notre expérience avec le concombre amer).
La saveur des algues, aliment très tendance, peut aussi repousser certaines personnes, même si certaines, comme la dulse, n’ont pas du tout une « saveur d’algue ».

Le mix

Parfois se mèlent tous ces aspects, la psychologie, la texture, le goût. Un exemple ? le steak tartare. Moi, la viande hachée crue me dégoûte. Et pourtant, je mange volontiers un steak haché saignant, je peux manger de la viande crue… et je serais assez tenté par un tartare haché au couteau. Curieux, non ?

En pratique ?

Les parents sont souvent confrontés au problème des goûts-dégoûts de leurs enfants. Plus compliqué encore, j’ai dû faire à manger à des jeunes ados que je n’avais pas élevé depuis leur plus jeune âge… Gérer les goûts et les dégoûts de chacun est une affaire délicate. Quelques exemples de choses qu’ils jugent  dégoûtantes :

  • La purée Mousline (on peut comprendre le peu d’attrait, mais de là à être dégoûté…)
  • Les bouchées à la reine (ce doit être le côté vomi insidieusement planqué dans une espèce de gâteau salé)
  • Les champignons (sans doute le côté gluant des champignons cuits)
  • Le chou-fleur (on devrait interdire de servir du chou-fleur surgelé tout mou dans les cantines scolaires…)
  • Le fromage (enfin, pas le fromage râpé, mais les fromages qui sentent le fromage, les bons fromages, quoi)
  • Le gras, c’est un classique, mais… mon fils, âgé de deux ans, lorsqu’on lui coupait sa viande en petits morceaux dans son assiette, commençait par picorer le gras qu’on avait mis de côté (plus tard, cette attrait pour le gras lui a passé…).

Comment contourner ces dégoûts chez les enfants ?

Il existe ce qu’on appelle la néophobie alimentaire. Il s’agit d’un stade de méfiance vis-à-vis de tout aliment nouveau. D’après les spécialistes, ce stade se situe vers l’âge de 18 à 24 mois. D’après mon expérience personnelle, il peut se prolonger une bonne quinzaine d’années de plus !
On dit qu’il faut laisser les enfants jouer avec la nourriture, les faire participer à la préparation du repas, ne pas les forcer…
S’agissant des grands enfants et même des adultes, moi qui aime bien tester toutes sortes d’aliments inconnus, mon expérience me dit qu’il ne faut jamais servir un nouveau mets en quantité, il vaut mieux en mettre un petit peu sur l’assiette, ou le mélanger dans une salade composée, dans une poêlée…

Les œufs de cent jours
Un petit dernier pour la route : les très réputés œufs de cent jours


>> D'autres recettes avec ces ingrédients :

2 réflexions sur « Goût et dégoût »

  1. « Les bonbons de gélatine : ah ben oui, c’est dégoûtant, non ? » eh ben non ; surtout ceux qui ont un peu de réglisse et mieux encore les rouleaux de réglisse !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *