Figurez-vous que je n’avais jamais goûté ce poisson qui a peut-être le tort de s’appeler rouget…
Devant l’étal du poissonnier, je me suis enfin décidé :
— Ils sont beaux, ces rougets grondins… Mais ça n’est pas très bon, si ?
— Ah si, c’est un poisson de roche, c’est très bon, moi je préfère ça au cabillaud !
— Bon, ben je vais en prendre deux, non non, ne les videz pas, je vais en faire une photo !
— Ah oui, ça va être chouette, si vous arrivez à étaler un peu les nageoires, là, regardez comme c’est beau ! Mais essuyez les poissons avant, regardez : il y a un mucus blanc, enlevez-le, ce sera plus joli sur la photo. Rassurez-vous, le mucus, c’est un signe de fraîcheur.
Ce poisson est délaissé des Bretons (en tous cas de moi…), car quand on dit rouget, on pense plutôt au rouget barbet, qui est un poisson unique à la saveur exceptionnelle. “Le grondin, c’est bon pour la soupe !” dit-on.
Me voilà donc avec ces deux gros rougets grondins, on devrait dire grondins rouges, c’est le nom officiel en français, ou chelidonichthys cuculus, c’est le nom officiel en latin, c’est drôle, cuculus, ça fait un peu Lucullus, qui, comme chacun sait était un général romain connu pour l’opulence de sa table, mais je m’égare, revenons à nos grondins.
Préparer le rouget grondin
Les écailles
Le rouget grondin est recouvert de petites écailles, qui s’en vont facilement au couteau. Opérez dans l’évier, sous un filet d’eau froide, ça vous évitera d’en mettre partout.
Le vider
Le rouget grondin n’est pas facile à vider, en raison de sa forme et de sa tête volumineuse et cuirassée. Il faut s’aider d’une paire de ciseaux à poisson pour l’ouvrir jusqu’au bout et y mettre les mains pour extraire les viscères. je vous épargne les photos. La solution raisonnable, c’est de demander au poisson de le faire.
Lever les filets
En revanche, cette opération est assez facile. Le rouget grondin tient facilement posé sur son ventre tout plat, il est fait pour ça, pour « marcher » au fond de l’eau en s’aidant des pattes constituées par une partie de ses nageoires pectorales.
Seule difficulté : entamer la peau, qui est fine mais très résistante. Une fois que c’est fait, il suffit de glisser le couteau de chaque côté de l’arête dorsale, ça descend tout seul, et voilà deux jolis filets bien épais
Les arêtes du rouget grondin
Ça fait partie de sa mauvaise réputation : le rouget grondin serait plein d’arêtes.
Il y en a, en effet, sur la partie ventrale, que l’on peut carrément supprimer, on récupérera la chair une fois cuite pour faire des rillettes de poisson.
On trouve aussi une ligne d’arêtes au milieu du corps, sur la moitié avant du poisson. Elles sont très difficiles à enlever sur le poisson cru, car elles sont accrochées profondément dans la chair compacte. Mais elles sont bien rangées et ne posent pas trop de problème à la dégustation du poisson cuit.
La cuisson
À la poêle, l’épaisseur du filet fait que c’est un peu long à cuire. Du coup, on est un peu obligé de trop cuire. Ça n’est pas trop grave, le rouget grondin supporte bien la cuisson.
Sa chair est en effet compacte et serrée, sa texture n’a rien à voir avec celle des autres poissons, elle rappelle celle du congre (en mieux, voir ici notre expérience avec le congre).
Le rouget grondin sera donc parfait pour des plats de poisson en sauce, matelotes et autres potées.
Il est aussi riche en collagène, ce qui est parfait pour la soupe de poisson.
Le goût du rouget grondin
Le goût est discret, assez indéfinissable. On est intrigué par la texture, inhabituelle pour un poisson mis assez agréable, on sent un goût de poisson, bien sûr, mais sans grand caractère. Pour un plat en sauce, ce sera décidément parfait.
Froid, en revanche, le goût est puissant, un goût de poisson bien marqué, marin et riche, il offre une persistance en bouche. Cela nous donne l’idée d’en faire des rillettes : voir notre recette de rillettes de rouget grondin au citron confit.
Les arêtes et la tête donnent un fumet assez intéressant : il est d’une belle couleur jaune, c’est plus appétissant que le grisâtre habituel des fumets de poisson, ce sera parfait pour un risotto. Le fumet semble assez gras et son goût est bien marqué.
En conclusion
Eh bien finalement, le rouget grondin tient les promesses du poissonnier : il offre pas mal d’intérêt en cuisine, surtout au regard de son prix modeste, c’est vraiment un poisson à découvrir.