Le gros lait, ça vous dit quelque chose ? C’est un lait fermenté — une sorte de yaourt — qu’on produisait autrefois autour de Douarnenez, et qui renaît aujourd’hui sous le nom de gwell.
C’est un souvenir d’enfance — mes grands-parents habitaient Douarnenez — que depuis longtemps je voulais retrouver. Eh bien ça y est ! Je suis passé à Douarnenez un jour de marché, j’en ai acheté deux pots en provenance de la ferme de Penn ar Menez, de Quimerc’h.
J’ai retrouvé toutes les sensations, et il m’est aussi revenue en mémoire la manière de déguster ce fameux gros lait ! Allez, je vous raconte…
On achetait le gros lait au marché, très animé à ‘époque, plusieurs paysannes en vendaient. La marchande puisait dans son seau deux ou trois louches qu’elle versait dans le pot que nous avions apporté.
Au goûter, on s’en servait un bol, délicatement, pour ne pas briser la texture qui était assez semblable à celle d’un yaourt ordinaire, un peu plus tremblante peut-être.
On prenait une cuillère, un délicieux pétillant acidulé nous emplissait la bouche. Comme si des milliers de bulles microscopiques venaient nous chatouiller les papilles. Sont-elles réelles, ces bulles, ou bien est-ce juste une sensation provoquée par l’acidité du gros lait ? Mystère…
Après deux ou trois cuillères ainsi appréciées, on changeait de tactique : on ajoutait du sucre en poudre et on battait, c’est-à-dire qu’on remuait vigoureusement à l’aide de la cuillère. Ça prenait bien trois minutes, le poignet se fatiguait, le sucre fondait, les grains finissaient par disparaître, mais surtout la consistance changeait du tout au tout : ça devenait filant, plus liquide, on jugeait du résultat en laissant couler un peu de gros lait depuis la cuillère.
Alors on mangeait tout autre chose : le gros lait était devenu tout doux, le pétillant et l’acidité avaient disparu, remplacés par une onctuosité et un velouté incroyables.
Une madeleine de Proust, oui, bien sûr, et très efficace puisqu’en savourant aujourd’hui ce gros lait je revois les images de Douarnenez, de mes grands-parents, de leur maison… Mais encore mieux : j’ai retrouvé le geste, le rite, la magie du gros lait, c’est un double plaisir, un repas complet en un seul ingrédient, d’abord un plat de résistance, quelque chose de brut, sauvage, de quoi rassasier son petit bonhomme, puis, en quelques tours de cuillères, un dessert suave et caressant.
La renaissance du gros lait : le gwell
Le gros lait est un yaourt obtenu à l’aide d’un ferment particulier, en principe à partir de lait de vache bretonne pie-noir.
Il avait quasiment disparu lorsque, il y a une trentaine d’années, un groupe de producteurs a décidé de le faire renaître. Il fallait aussi le faire reconnaître : ils ont choisi un nom plus significatif, le gwell, qui signifie à la fois meilleur et levain. Vous en trouverez en vente directe dans certaines fermes et chez quelques distributeurs en Bretagne.
Pour plus d’infos, visitez le site de l’association des paysans producteurs de gwell.
Bonjour,
Moi aussi je craque pour ce gros lait qui revient colorer des souvenirs d’enfant. Essayez au p’tit déj en acompagnement d’un bol de céréales un peu sèches ou avec une crêpe de blé noir bien sûr, la simplicité acide qui complète les sucres du plat ! hum !
J’en trouve maintenant facilement auprès de 2 producteurs, l’un au marché de Pont Croix, l’autre sur Audierne/Beuzec, un vrai régal pour ce dernier.
Il était temps que revienne cette spécialité, on a eu chaud !
Bonjour Michel, oui, je crois qu’on a eu chaud… Mais en Nord-Finistère, j’ai du mal à en trouver. Maintenant qu’il est réhabilité, le gros lait doit partir à la conquête du reste du Monde !