Selon le Larousse agricole de 1920 “Le houblon est cultivé en France depuis Charlemagne pour la fabrication de la bière”. Sacré Charlemagne ! Mais bon, la Bretagne a semble-t-il été oubliée. Et pourtant, on trouve du houblon à l’état sauvage dans notre région… Le paradoxe n’a pas échappé à Antoine Floury, qui s’est demandé si une culture de houblon ne répondrait pas parfaitement au formidable développement des bières locales de Bretagne.
Antoine a donc installé une houblonnière cet hiver, qu’il a plantée au printemps. Ce samedi 13 juillet 2019, il ouvrait les portes de sa houblonnière, située à Brélidy, entre Guingamp et Tréguier. Cuisine à l’Ouest en a profité pour vous faire découvrir ce monde étrange…
Une houblonnière Bio
Sur la plateforme de crowdfunding Mimosa, où il a fait appel aux investisseurs, Antoine annonce d’emblée son ambition : “Nous ? Une houblonnière biologique bretonne de 4 ha suivie en agropastoralisme grâce aux moutons de conservation « Belle Ile » !”
Les choses sont claires : Antoine est hyper-motivé et sait parfaitement ce qu’il veut. Ce matin, il précise l’idée à ses visiteurs ; “En France, on cultive 450 ha de houblon, et 80% de la production est exportée ! Un chiffre à comparer avec les 18 000 ha en Allemagne… On ne parle même pas du Bio : 25 ha seulement en France… L’idée est de localiser pour permettre une autonomie aux brasseurs et pour leur offrir un échange avec la production de houblon. D’ailleurs, plusieurs brasseurs sont présents aujourd’hui, dont Bertrand, de la brasserie Philomène, et Maxime, de la brasserie de Paimpol.”
Après cette profession de fois, Antoine nous fait visiter sa houblonnière avec beaucoup de pédagogie et de passion.
La plante et sa culture
“Le houblon pousse naturellement près des rivières. La Bretagne est le terroir idéal, car on n’a pas de fortes chaleurs (les rendements ont tendance à baisser en Alsace à cause de la chaleur). Il faut une parcelle bien ensoleillée et pas trop exposée au vent. L’hiver, par contre, il faudra sans doute que je fasse des rigoles pour évacuer l’eau.
Pour produire les fleurs, on ne cultive que des plantes femelles. On plante des boutures, les rhizomes vont s’installer doucement pour donner chaque année une repousse productive.”
Le houblon brassicole
- On distingue trois types de houblons :
- les aromatiques, qu’on incorpore à la fin du brassage
- les amérisants, qui apportent l’amertume
- et les doubles, qui apportent les deux effets.
“J’ai planté un peu de chaque, en tout une dizaine de variétés, choisies pour leur résistance aux maladies et pour les caractéristiques demandées par les brasseurs.”
La plantation
Le houblon est une plante grimpante, elle peut s’élever à plusieurs mètres. Il faut donc lui offrir de quoi grimper. Si quelques tuteurs de bambou peuvent suffire au jardin, la problématique est tout autre pour une culture professionnelle. La structure est composée de mâts et de câbles sur lesquels on suspend la ficelle qui permettra à la tige de houblon de s’enrouler.
“Il a fallu 1 000 heures de boulot pour installer la structure, raconte Antoine. Puis nous avons planté entre fin mars et début mai. J’ai acheté des boutures de 2-3 ans qui vont donner une récolte dès la première année.
Un travail énorme, mais la culture est en place pour au moins quarante ans. Il faut imaginer ça comme une vigne. Reste à voir si, comme une vigne, une vieille souche de houblon offre des arômes plus intéressants.
Pour le moment, le sol entre les rangs n’est pas couvert, car le fait qu’il reste sec en surface évite les maladies. Mais une fois que ma production sera lancée, j’envisage d’enherber les allées, ce qui est plus satisfaisant sur le plan de l’environnement.”
Le « système » d’Antoine
Antoine Floury a suivi des études de biologie, de physiologie des plantes et de botanique. Son cursus l’a sensibilisé aux interactions entre les organismes vivants et à l’écologie. Sa houblonnière, il la conçoit comme un « système » évolutif, équilibré, propre et axé sur le local.
“Aux USA, on trouve des fermes de houblon de 300 ha. C’est de l’industrie, c’est productiviste. Avec 4 hectares, on peut plus facilement trouver des solutions pour les déchets, et mieux, les valoriser comme co-produits. Par exemple, les feuilles sont utilisables de différentes façons. Mêmes les jeunes pousses que nous devons enlever au printemps sont consommables, comme des asperges. J’ai déjà des contacts avec des restaurateurs pour les utiliser.
Je ne veux pas augmenter la surface, je veux simplement améliorer le système.
J’ai ménagé un espace de bio diversité au milieu de ma structure houblonnière. On ne peut pas expliquer toutes les interactions qui régissent la nature. Par exemple, on sait que le sureau abrite les pontes d’une guêpe dont les larves détruisent les pucerons. On sait encore quelques petites choses du genre, mais on n’imagine même pas toutes les interactions qui se trament dans le sol !”
Les moutons font partie du système mis en place par Antoine Floury : “Les moutons mangent les feuilles mais pas les tiges. J’utiliserai à partir de la deuxième année les moutons pour le travail d’effeuillage en partie basse, qui est bénéfique à la culture.
En attendant, les moutons sont élevés selon la méthode des « parts de camembert » : leur abri est au centre de la parcelle, qui est divisées en six parts. Les moutons restent une semaine dans une part, puis on les fait tourner vers la part suivante. Ainsi, ils reviennent dans la première part au bout de six semaines, qui est le délai pour que les parasites soient naturellement éliminés. J’ai adjoint des ânes à mon troupeau : les ânes ne supportent pas les canidés. Si un chien errant ou un renard s’approche, il est très vite mis en fuite.
Mes moutons sont des Belle-Île, une race régionale qui était en voie de disparition. Nourris au grain quand je les ai achetés, ils ont eu du mal à se réhabituer à l’herbe et à la liberté. Aujourd’hui, ils sont en pleine forme et j’ai eu plein de naissonces !”
La récolte
En septembre : on coupe la liane (la ficelle) à 1 m du sol, on tire dessus, elle tombe dans la remorque avec la tige de houblon. Ensuite, une machine séparera les fleurs du reste. Chaque année, on change la liane.
Le séchage
On peut utiliser des fleurs fraîches pour faire de la bière. Mais il faut qu’elle soit très fraîche, vraiment tout de suite après la récolte. On a alors une bière de saison, une bière de récolte. Dans la plupart des cas, les brasseurs utilisent la fleur séchée.
Les installations d’Antoine sont en cours d’aménagement : “Une tour permettra le séchage en six heures. On laisse ensuite la fleur se réhydrater légèrement quelques heures à température ambiante. On compresse, puis on stocke en chambre froide.
On peut aussi en faire des pellets : la fleur est hachée, puis agglomérée en granulés. Le stockage est plus facile, et le hachage facilite les échanges d’arômes, ce qui intéresse les brasseurs. Nous réfléchissons, avec les collègues néo-houblonniers, à un investissement commun.”
Souhaitons à Antoine une bonne première récolte, Cuisine à l’Ouest ne manquera pas de vous tenir informé !
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Rencontre
Maxime, créateur de La bonne humeur
La bonne humeur, c’est la marque de la brasserie de Paimpol, très récemment créée par Maxime et Morgane Antar. Maxime est un ami d’enfance d’Antoine Floury, ce qui explique leur réflexion commune et leur parcours parallèle. Maxime était bien sûr présent lors de cette journée portes ouvertes, et Cuisine à l’Ouest a goûté ses bières…
- La bitter, légèrement ambrée, légère en alcool, courte en bouche, une bière de soif, très agréable.
- La blonde au froment offre rondeur et gourmandise, des notes fleuries, une amertume marquée et une incroyable longueur en bouche.
Ces bières sont disponibles en pression et en bouteilles.
Vous trouverez la carte des points de vente sur la page Facebook de la brasserie de Paimpol ou directement sur cette OpenstreetMap
Très bel article, informatif, bien écrit, bien renseigné, agréable à lire et sans erreurs, ce qui est rare !
Une seule question : d’où vient ce terme de « grinas » dans la légende la photo ? il s’agit de glandes de lupuline, mais je ne connait pas cette dénomination…
Une toute bête faute de frappe, c’est maintenant corrigé, merci