Sur la piste du muscadet

Photo de référence

Suite à notre interview du caviste Armel Moisan, nous avons souhaité poursuivre notre découverte du muscadet. Et nous sommes donc allés dans le vignoble.

Première étape : le Musée du vignoble nantais, au Pallet, au sud-est de Nantes. On y trouve des documents et informations sur les outils, les vendanges, les pressoirs, la vinification… Bref, tout ce qu’on peut voir dans un musée du vignoble. On vous conseille la visite.

Mais ce qui nous intéresse, c’est cette particularité du muscadet : un seul cépage, le melon de Bourgogne, qu’on appelle aussi melon B pour qu’il n’y ait pas d’ambigüité avec une autre région viticole. Ce cépage unique s’exprime sur différents terroirs.

Le cépage, c’est la variété de raisin. Quand on parle de fruits ou de légumes, on dit souvent que c’est la variété qui fait le goût, que le mode de culture, serre ou plein champ, hors-sol ou pleine terre, n’a que peu d’importance. Voici donc une occasion de le vérifier.

En effet, les terroirs du vignoble nantais sont très variés, en particulier la nature du sol et du sous-sol.

La géologie du vignoble nantais

Au musée, une carte nous montre cette diversité de roches du pays nantais.
Oui, et alors ? Les plantes, ça pousse dans la terre, pas dans la roche, non ?
Ce n’est pas si simple. Beaucoup de plantes émettent des racines très profondes pour aller chercher l’eau et les minéraux dont elles ont besoin.

Les sols du vignoble du muscadet

C’est le cas de la vigne, dont les racines descendent couramment jusqu’à 10 mètres, parfois davantage encore, comme nous le montre cet autre panneau du musée. Elles se fraient un chemin dans les fissures des roches, elles creusent les roches tendres… Et de ces profondeurs, le plant de vigne va tirer son caractère.

Visite au domaine Landron

À quelques pas de là, à La Haye Fouassière, nous participons à une visite du vignoble de Jo Landron.

Jo Landron est bien connu pour être pionnier à la fois du Bio et du renouveau du muscadet. En effet, nous apprenons qu’en pays nantais, il n’y avait pas de réelle tradition viticole : les agriculteurs faisaient de l’élevage, et cultivaient de la vigne pour mettre un peu de beurre dans les épinards. La priorité, c’était les bêtes, on n’avait pas trop le temps de s’occuper des vignes. Le but était de produire le plus possible, le maximum de grains, le maximum de jus à envoyer aux négociants qui prenaient en charge la vinification.

C’est dans ce contexte que débute Jo Landron à la fin des années quatre-vingts. Passionné de végétal, il avait commencé par aller se former à la viticulture. Lorsqu’il reprend l’exploitation familiale, il arrête très vite les désherbants, remplacés par un travail mécanique du sol, puis les produits de traitement. Jo Landon était ainsi en biodynamie bien avant d’avoir les certifications ! L’exploitation est certifiée Bio depuis 2002 et Biodynamie depuis 2011.

Les roches du terroir nantais
Jo Landron montre d’emblée aux visiteurs les roches qui composent ses différents terroirs

Par ailleurs, Jo Landron décide de vinifier séparément chacune des parcelles de son domaine : “Nos muscadets révèlent alors des potentiels de garde plus ou moins longs avec des complexités uniques et des identités minérales singulières en fonction de l’exposition des parcelles et de leur nature géologique”, explique-t-il sur son site internet. Ainsi, non seulement les raisins issus des différents terroirs sont séparés, mais en plus les techniques de vinification sont adaptées à chacun, pour magnifier leurs caractères.

La dégustation

Les vins de Jo Landron

Après ces visites édifiantes, place bien sûr à la dégustation, qui nous permet de vérifier ces différences malgré le cépage toujours identique. Nous avons ainsi goûté :

  • Amphibolite 2019, qui tire son nom de la roche sur laquelle pousse les vignes. C’est un vin jeune, vif, frais, avec des notes d’agrume. En muscadet, on cherche la tension ; la cuvée 2018, qui a bénéficié de pluie et de soleil, est plus riche et donc moins tendue.
  • La Louveterie 2018, plus fruité, plus conforme au souvenir que l’on a du muscadet.
  • Clos La Carizière 2018, issu des plus vieilles vignes du domaine, qui poussent sur des sols d’orthogneiss et un peu silico-argileux.On va là vers des muscadets plus gras. La garde peut être plus longue, de 3 à 5 ans.
  • Les Houx : les parcelles les plus ensoleillées du domaine, et aussi les plus exposées au vent, sur des sols d’argile et sables. La saveur est plus complexe, structurée, saveurs de fruits sec et minéralité fumée. Potentiel de garde de 3 à 5 ans.
  • Le Fief du Breil 2016, un vin élevé 30 mois sur lie, c’est trop long pour avoir droit à l’appellation muscadet sur lie. Mais il en résulte une grande complexité, c’est un vin qu’il faut garder quelques années, afin qu’il révèle toute sa richesse.
  • Haute Tradition 2017 est un Sèvre et Maine sur lie. Je sens quelque chose, c’est quoi ?
    C’est le seul vin que nous faisons passer en cuve bois, car il a besoin d’oxygénation. Mais attention, le bois ne doit pas cacher le terroir.
  • Melonix, un vin non millésimé, c’est un vin de France, mais tout de même 100% cépage melon de Bourgogne. La fermentation malolactique enlève de la tension. La deuxième fermentation apporte un peu de gras. Il offre un côté cidré, très terroir.

Allez, on vous l’avoue, nous n’avons pas trop l’habitude de la dégustation. Au bout de deux ou trois vins, on ne sait plus trop où on en est. Pas à cause de l’alcool, hein, on crache, bien sûr, non non, c’est simplement l’effet de ces successions de saveurs subtiles… Alors, on a noté ce que nous disait notre guide, et on s’est référé aux fiches disponibles sur le site de Jo Landron.

Mais nous avons tout de même constaté, en goûtant ces sept vins issus du même domaine, du même cépage, sur des terroirs différents, avec des vinifications différentes, l’importance de ces deux derniers facteurs sur le caractère gustatif du vin.

Et au passage, nous avons constaté le niveau de qualité que peut atteindre aujourd’hui le muscadet, notre vin breton !

le melon de Bourgogne, cépage du muscadet

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3 commentaires à propos de “Sur la piste du muscadet

  1. C’est vrai que les Muscadet ont considérablement progressé en qualité, depuis déjà pas mal d’années, et ils peuvent rivaliser avec d’autres appellations à priori plus prestigieuses, en Loire (Vouvray, Sancerre) ou même en Bourgogne.
    Personnellement, ceux qui ont ma faveur sont les crûs, du type Gorges ou Clisson, qui ont plus de rondeur, du gras, que d’autres auxquels je trouve un côté un peu trop minéral comme l’Amphibolite… affaire de goût ! Et j’ai déniché récemment une cuvée un peu confidentielle, le Taurus, dont on dit grand bien … mais que je n’ai pas encore bue, car on nous indique qu’il convient de la conserver quelques temps avant de la déguster. Un Muscadet de garde donc, ce qui intrigue … rendez-vous en 2026 pour l’ouvrir

  2. Jolis commentaires qui incite à la visite ou du moins à revoir ses préjugés sur l ‘AOC muscadet . Les vignerons se succèdent et le muscadet change de visage, se construit et s’assagit ; mais les terroirs existent depuis longtemps et demeurerons . C’est au vigneron d’en exprimer la quintessence en conscience , dans le respect de la Terre et de la Vigne.

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