Le muscadet, c’est LE vin breton. Mais connaissez-vous vraiment cette appellation ? Nous avons rencontré un amoureux de ce terroir, le patron de La Cave des Jacobins à Morlaix.
Après sa formation de caviste à Vannes, Armel Moisan trouve tout de suite du travail à la Cave des Jacobins, tenue alors par Marie-Hélène Merrien. Trois ans plus tard, celle-ci souhaite se retirer, Armel, qui a alors 30 ans, se retrouve à la tête de cet établissement morlaisien séculaire : “À l’origine, souligne Armel, la Cave des Jacobins vendait, comme toutes les autres, du vin en vrac. Marie-Hélène a orineté la cave vers le commerce de détail et la promotion des vignerons”
Bof, le muscadet ?
Nous sommes fin 2014 : Armel a donc toutes les cartes en mains pour promouvoir les viticulteurs qu’il apprécie et les vins qu’il aime. C’est le cas du muscadet. À force d’entendre les clients dire : « Le muscadet ? bof… », il réagit : “Ce côté décrié, c’était un challenge. J’ai commencé à chercher des muscadets pour prouver que c’est un bon vin. Et à force de chercher, on trouve !”
Logique de volume ou de qualité
Il faut bien avouer que le muscadet revient de loin. Il y a une quarantaine d’année, tout le monde voulait acheter en grande surface du vin blanc sec et pas cher. “Dans les années quatre-vingt, 75% du vignoble appartenait au négoce, qui appliquait une logique de volume, déplore Armel. La vigne doit produire davantage de raisin, et forcément la qualité baisse. Revers de la médaille, le vin fait mal à la tête, les consommateurs finissent par s’en détourner, les ventes ont chuté. La moitié du vignoble a été arraché pour cultiver de la mâche, plus rentable.”
Alors, c’est la fin du vignoble nantais ? Non, car il reste des terroirs très spécifiques, des roches recouvertes d’une fine couche de terre : “Là-dessus, tu ne peux rien cultiver d’autre que de la vigne… Du coup, des jeunes ont pu acheter des terres pas trop chères, pour viser de la qualité sur de petites surfaces. Ils vendent en direct, aux cavistes, aux restaurateurs… La logique n’est plus la même, il ne s’agit pas de fournir coûte que coûte. Quand il n’y en a plus, il n’y en a plus. Jo Landron est l’un des précurseurs, il est aujourd’hui à la tête d’un beau domaine cultivé en Bio.”
La dégustation du muscadet
Et voilà donc une nouvelle génération de vignerons, et voilà donc de bons muscadets, qui viennent faire oublier les mauvais souvenirs. On retrouve l’équilibre caractéristique de ce terroir : “Le côté sec et acide, c’est le climat, tandis que le cépage apporte le côté fruité qui tire sur les agrumes, le citron et même le citron confit. Il ne faut pas le déguster trop froid, cela ferait remonter l’acidité au détriment du fruit. 20 minutes dans la porte du frigo suffiront à le porter à température. Le muscadet se sert avec des fruits de mer ou du poisson, bien sûr, mais il peut être intéressant sur un plat cuisiné aux fruits. Il est aussi parfait à l’apéro.”
Le muscadet, vin de garde ?
“J’ai des vieux muscadets avec lesquels je bluffe tout le monde. Il y a l’acidité, il y a le fruit. Vin de garde, le muscadet ? Oui, je signe pour 30 ans ! Avec des collègues, nous avons eu droit à une dégustation à l’aveugle, tout le monde a mis le muscadet de garde au niveau d’un hautes côtes de nuits, avec un prix moitié moins élevé.
Pour ma part, je garde des magnums qui auront 8 ans dans 4 ans, ça va être de la bombe atomique !”
Les appellations
Muscadet est une AOC, qui implique entre autres l’usage exclusif du cépage melon de Bourgogne. Mais pourquoi s’en tenir là ? “Les vignerons en testent d’autres, comme le sauvignon ou le chardonnay, pour produire de nouveaux vins, explique Armel. Certains commencent même à penser au vin rouge, avec des cépages gamay ou pinot noir… Moi, en tant que caviste, je prends du recul par rapport aux appellations. Je préfère défendre les expérimentations intéressantes.
Par exemple, le vigneron Jérôme Brétaudeau a mis en place une solera, méthode d’élevage très particulière utilisée pour le Xérès notamment : des tonneaux sont empilés les uns sur les autres, la couche du dessous contient le vin le plus âgé. Une fois arrivé à maturité, on le soutire, mais pas totalement, et on le remplace par les vins des tonneaux de la couche qui est située au-dessus, et ainsi de suite. On dit que le vin vieux éduque le jeune. Or, l’appellation muscadet implique que le vin soit millésimé, ce qui n’est pas possible ici car il y a mélange partiel. Ce vin a donc simplement une appellation « vin de France ».
J’ai eu droit à six bouteilles, il est vraiment excellent, plus complexe, plus minéral.”
La philosophie de La Cave des Jacobins, à Morlaix : “Notre but est de vous communiquer la folie gourmande qui nous habite tout au long de l’année à travers nos découvertes et vos envies. Faire plaisir et se faire plaisir par une consommation raisonnée et respectueuse de l’humain et de la terre.”