Prenez ça comme un conte de Noël : c’est l’histoire d’un beau-papa confronté à sa belle-fille devenue végétarienne.
Le beau-papa — c’est moi — est féru de cuisine, et n’a jamais limité son terrain d’expérience à quelque régime, idéologie que ce soit (sauf s’agissant du cheval, mais c’est une autre histoire).
Le repas traditionnel de Noël, chez nous, c’est gratin dauphinois et rôti de bœuf. Le gratin dauphinois, préparé par la maman, est sublissime. Je me contente de gérer la cuisson du rôti.
Mais alors, la version végétarienne ? On pourrait se dire que le gratin dauphinois est tellement bon qu’il se suffit à lui-même… Mais non : il lui faut un répondant, un contrepoint, un truc, quoi, juste quelque chose qui vienne le mettre en valeur, apporter une petite touche de vigueur sans chercher à prendre la vedette, la star c’est le gratin dauphinois.
Que dois-je faire ? Un rôti végé. Quelque chose qui apporte une saveur un peu costaude, mais pas trop.
Premières pistes
Des champignons à profusion
Tout de suite, je pense champignon. D’abord parce que les champignons sont source de protéines, c’est plutôt bien pour les végés/vegans. Et surtout parce que, bien choisis et bien préparés, ils vont apporter des saveurs profondes. Mon choix se porte sur :
- le pleurote qui, légèrement grillé, libérera les saveurs qu’on recherche
- le shiitaké, dont l’effet umami donnera beaucoup de retour et boostera toutes les saveurs
- le champignon noir, vous savez, ce champignon qui est vendu séché dans les magasins asiatiques, et qu’on met dans les nems ; son goût est discret, mais sa texture reste très croquante, même après cuisson.
Azuki késako ?
Ensuite, la masse. Il me faut quelque chose qui fasse du volume, assez compact. Il ne s’agit pas de faire une purée, je veux quelque chose qui se tient.
De la courge ? Non, trop crémeux, même les courges très compactes (crown prince, bernettine, shiatsu) manqueraient de tenue, et leur côté plus ou moins sucré ne s’accorderait pas avec le gratin dauphinois.
Des lentilles ? des haricots ? des pois cassés ? La texture est difficile à gérer, il faudrait trouver la légumineuse idéale, celle qui se tient bien après cuisson, compacte, épaisse… Mon esprit vagabonde… tiens, je pense aux desserts asiatiques, tiens, n’ai-je pas un paquet de haricots azuki qui traîne dans le placard, attendant l’occasion ? Mais l’occasion, la voilà !
Cherchons vite sur internet : « azuki salé »… Rien, on ne trouve que des recettes d’azuki sucré. Bon, bon tant pis, je vais innover, je serai donc le premier, les Japonais vont être éberlués, ils vont tous se précipiter sur Cuisine à l’Ouest !
Allez, on y va !
En attendant ce succès planétaire, revenons à nos fourneaux. J’ai trouvé le mode d’emploi pour faire l’anko, la pâte de haricots azukis, que je vais faire sans sucre :
- trempage : 12 heures
- première cuisson : juste un bouillon, puis égouttage
- cuisson finale : 1 heure à petits bouillons.
Le but est d’obtenir une pâte compacte.
La préparation des champignons
Pendant la dernière cuisson, j’ai préparé mes champignons :
- les champignons noirs trempés une heure, puis cuits dans une eau frémissante pendant 30 minutes
- les pleurotes, coupées en tranches et enduites d’huile, grillés au four comme indiqué dans cette recette
- Les shiitakés coupés en lamelles fines puis revenus au beurre.
Tout se précise, je n’ai plus qu’à effectuer l’assemblage.
Le mixage des azukis
Je travaille une petite quantité, une moulinette électrique suffit. J’insiste un peu pour que les téguments disparaissent dans la masse.
À propos de masse, c’est un peu spécial, ça ressemble à du chocolat. « Niveau compacité, on est pas mal », me dis-je. Oui, nous autres, cuisiniers amateurs, on se parle à soi-même, on discute dans sa tête, ça aide.
Le mélange
Je verse cette chose dans une assiette, je commence par y ajouter un peu de champignons noirs finement coupés, pour voir. Oui, ça prend de la structure tout en restant compact. Je goûte, ah oui, ça croque un peu.
Enhardi par ce premier ajout, je continue par les shiitakés, en partie hachés menu, en partie en lamelles entières. C’est toujours très bien.
Au tour des pleurotes : elles sont bien grillées, je les coupe un peu, pas trop pour qu’elles animent un peu la structure générale. Ça marche !
Au final, j’ajoute encore un peu de chacun de ces champignons, je goûte, j’ajoute du sel et un peu de sauce teriyaki (on peut se contenter de sauce soja). Oh, mais dites-moi, c’est vraiment excellent !
Je joue un peu avec mon œuvre, oui, chouette, on peut lui donner une forme, ça tient bien.
Je dispose la chose dans un plat allant au four, je cale un peu avec du papier cuisson, on ne sait jamais, il ne faut pas que ça s’affaisse. Je mets au frigo en attendant la cuisson.
La cuisson
Le moment venu, je glisse mon plat au four, à côté du rôti de bœuf, je compte un quart d’heure de cuisson, ce n’est pas très précis, tout est déjà cuit, il s’agit de réchauffer et d’apporter un peu de caractère, peut-être une petite croûte, allez savoir !
Et voici et voilà le moment tant attendu : mon machin végétarien (presque vegan, il n’y a que le beurre pour cuire les shiitakés, j’aurais pu mettre de l’huile) ressemblera-t-il à un rôti ?
Eh bien non : à la découpe, il a gardé la même structure, celle d’une pâte d’azuki. Ce n’est pas la catastrophe, mais on n’en fait pas des tranches, quoi.
C’était moche, mais c’était bon, très bon et même très très bon. Et vous savez quoi ? C’était même un meilleur accompagnement que le rôti de bœuf ! Et ma végétarienne de belle-fille était enchantée.
Alors oui, je recommencerai ces expériences végé/vegan. La prochaine fois, j’essaierai d’apporter quelque chose qui renforce la solidité (farine ? fécule ? graines de chia ? Merci de vos suggestions en commentaire ci-dessous), ou une enveloppe (pâte feuilletée ? pâte filo ? feuilles de riz ?). Et puis je testerai d’autres recettes sans produits animaux, j’adore le challenge !
Pas très appétissant à la découpe en effet mais ce m’a l’air très bon ! Une belle description qui m’a mis l’eau à la bouche !
Joyeuses fêtes de fin d’année !
Mersi Lou, joyeuses fêtes !
C’est toujours un plaisir de vous lire ! J’ai déjà testé le rôti Wellington vegan , avec noix, chou rouge, champignons, et j’ai beaucoup aimé. Je recommande ! La pâte feuilletée , vegan, autour apporte un joli rendu.
Pour le rôti vegan , j’ai déjà testé un rôti aux haricots blancs et j’avais trouvé la texture affreuse et le goût très bof…
Pour info, voici les recettes utilisées ;-)
https://ladypastelle.fr/2016/12/06/wellington-farci-aux-chataignes-aux-champignons-et-aux-epinards/
https://www.lafeestephanie.com/2018/03/roti-de-haricots-blancs-pour-des-fetes.html
Merci Violaine, bonne idée, le wellington, la pâte feuilletée peut cacher les défauts…
Merci l’aventurier… Me voici tentée par votre savant mélange posé directement dans la poêle garnie d’une feuille de riz… pliage… etc.
A l’année prochaine Monsieur le Cuisinier…
Plein de bonnes choses à vous tous.
Michèle Couronner
Merci, oui, ce serait pas mal de cacher cette chose dans un bel emballage. Meilleurs vœux !
Challenge génial ! Mais sans seitan, SVP : toutes les recettes qu’on trouve (et qui se tiennent) utilisent le seitan, mais quand on est intolérant au gluten, ce n’est pas possible. J’avais vu passer une idée utilisant un autre champignon : le lion’s mane (hericium erinaceus), mais il est très difficile à trouver sous forme fraîche dans le commerce et interdit de ramassage dans la nature. Donc je ne peux pas dire ce que ça donne… Mais cette recette, avec une « peau » de feuilles de riz glacée pour ajouter du croustillant me paraît très très bien !
Merci pour l’idée des feuilles de riz ! Et je vais me mettre en quête de lion’s mane…
Bravo, pour l’aventure culinaire et pour le récit avec la juste dose d’humour. Je l’ai déjà dit, mais Cuisine à l’Ouest est devenu mon blog de cuisine préféré. Les Japonais ne savent pas ce qu’ils ratent !
Pour faire tenir le rôti, je tenterais le psyllium. C’est l’ingrédient phare qui fait tenir ce ‘pain’ sans farine que j’adore et que je fais très régulièrement depuis 10 ans, peut-être la recette pourrait-elle s’adapter aux champignons : https://www.mynewroots.org/2013/02/the-life-changing-loaf-of-bread/
Merci, je vais me mettre au psyllium, alors