Il y a quelques semaines, nous vous avions raconté notre premier brassage, une tentative pour faire du kéfir au goût de bière. Le brassage, on a bien aimé, mais il faut avouer que c’est très long et très pénible. On a mis au point une méthode très simple, et ça marche !
Pour bien comprendre la chose, il faut des explications un peu longuettes, et justement, on est bavard et passionnés par la chose. Donc, si vous êtres pressés, vous pouvez aller directement à la recette.
Vous êtes toujours là ? Allez, on commence par expliquer le kéfir.
Le kéfir
Il s’agit ici de kéfir d’eau ou kéfir de fruit (il existe aussi le kéfir de lait, qui donne une sorte de yaourt, c’est tout autre chose). Le kéfir d’eau, c’est un ferment qui se présente sous forme de grains translucides. Vous n’en trouverez pas dans le commerce, il vous faut trouver dans vos relations quelqu’un qui fait du kéfir, comme ça se multiplie tout seul, ça se donne volontiers.
On met des grains de kéfir dans de l’eau, avec du sucre, un peu de citron, au bout de trois jours ça donne une boisson fermentée un peu pétillante, très peu ou pas du tout alcoolisée, et peu sucrée : le sucre a été digéré par les ferments, qui s’en sont nourris, et qui ont laissé au passage un peu de gaz carbonique.
Nous vous avons déjà parlé de notre premier kéfir, et un de ces jours, comme nous avons acquis une bonne expérience, nous ferons un grand article sur le kéfir.
Pourquoi un kéfir aux saveurs de bière ?
Le kéfir, c’est bon, ça offre des saveurs de fermentation, ça rappelle de très loin la bière, mais avec beaucoup moins de saveur, de profondeur que la bière. Nous, on avait envie de faire une boisson d’apéro, sans alcool, mais intense, riche en saveurs. Au départ, on s’est dit : “Ajoutons-y un peu d’amertume”. On a acheté du houblon, ça se trouve en « pellets », c’est-à-dire en petits granulés compressés, tout prêts à infuser. Ça n’était pas inintéressant, mais bon, ça n’atteignait pas non plus des sommets. Alors on s’est lancés, on s’est dit qu’il fallait la totale, à savoir le malt et le houblon.
La bière
Ah oui, pour bien suivre, il faut comprendre la bière. La bière, c’est deux choses, le malt et le houblon.
Le malt
Le malt, ce sont des graines d’orge germées, desquels on va extraire les sucres et, par la même occasion, les saveurs. Pour quoi de l’orge, pourquoi germé ? Eh bien c’est comme ça. On peut faire de la bière avec du blé, et même avec du sarrasin, mais il faut bien reconnaître que c’est l’orge qui apporte le plus de caractère. Selon la variété d’orge utilisée, selon son traitement, sa torréfaction éventuelle, on obtient des saveurs et des couleurs différentes. « Brasser » consiste à en extraire, dans l’eau chaude, les sucres complexes et les arômes. On met le jus obtenu à fermenter, avec les levures qui vont bien, et on obtient de la cervoise.
Le houblon
C’est l’utilisation du houblon qui a permis de passer de la cervoise à la bière. Le houblon, c’est une plante, une plante magique, une vraie liane, qui donne des fleurs. Des fleurs qui offrent à la fois de l’amertume et des arômes.
Voyez notre article sur une houblonnière en Bretagne.
Le houblon a donné lieu à des développements extraordinaires. Différentes variétés ont été sélectionnées et analysées, et on trouve aujourd’hui des houblons très classifiés : certains apportent l’amertume, d’autres apportent différents arômes, d’autres enfin sont mixtes. On trouve du houblon sous différentes formes : des fleurs fraîches si on a un producteur à côté de chez soi, des fleurs séchées, ou encore ces fameux pellets, qui sont des fleurs séchées et compressées. Pour récupérer les arômes du houblon, on le fait infuser à chaud dans la bière.
Pour plus de détails sur la bière, voir notre reportage à la brasserie Coreff
Mais alors, personne n’a encore inventé le kéfir-bière ?
Eh bien non, on a fait des recherches sur internet, et on dirait bien que Cuisine à l’Ouest est l’inventeur du kéfir aux saveurs de bière, Yippeeee ! Il y a bien quelques brasseurs qui y ont pensé, mais ils n’ont pas réussi. Parce qu’ils ont voulu fermenter leur bière avec du kéfir. Alors qu’il faut fermenter du kéfir avec des saveurs de bière.
Quoi quoi quoi ? Vous pouvez nous répéter ça ?
On vous explique : en matière de fermentation, c’est le ferment qui commande. Pour la bière, les ferments sont des levures spéciales, qui font leur travail en plusieurs semaines. Plusieurs semaines, ça laisse aux mauvaises bactéries le temps de se développer et de supplanter les bonnes levures. La fabrication de la bière demande donc une hygiène très rigoureuse.
Le kéfir, lui, fait son travail en 2-3 jours. Les grains de kéfir restent assez mystérieux, il s’agit probablement d’une symbiose de divers micro-organismes qui ont la faculté de se nourrir de sucre et de digérer les autres micro-organismes. Il est vraiment très rare qu’une fermentation de kéfir soit infectée, et ce d’autant moins que la durée de fermentation est courte. Ça tombe bien, on peut fermenter au kéfir à la maison sans grand risque.
Tout ça pour arriver à la conclusion que pour faire un kéfir au goût de bière, il faut le traiter comme du kéfir et non comme de la bière.
La méthode simple
Après notre premier brassage, à partir d’orge germé, nous nous sommes dit que c’était vraiment trop compliqué pour faire trois litres de kéfir. Ah ben oui, parce qu’on ne fait pas soixante litres de kéfir d’un coup, ce n’est pas une boisson qui va se conserver comme la bière ! Alors on s’est dit : si on fabriquait beaucoup de moût (c’est le liquide obtenu à la fin du brassage, la base de la bière), et qu’on le congelait pour l’utiliser plus tard ?
On a cherché sur internet, et oui, c’est possible.
Mais au passage, on a vu quelque chose de bien plus intéressant : il est aussi possible de le mettre en poudre. Pas à la maison, bien sûr, mais plusieurs fournisseurs proposent ainsi de l’extrait de malt qu’il suffit de diluer pour obtenir un moût prêt à l’emploi. Il paraît que beaucoup de petits brasseurs utilisent de l’extrait de malt, ce qui leur évite dans un premier temps d’investir dans du matériel de brassage.
Quant à nous, le malt en poudre va nous permettre de faire très simplement nos toutes petites quantités de boisson.
La recette
Nous avons testé plusieurs dosages, voici celui qui nous a le plus satisfait. Nous obtenons une boisson de caractère, avec une légère amertume et des arômes, qui offre des bulles fines et agréables.
Nous avons utilisé du malt ambré, qui présente un peu de caractère tout en restant léger, et du houblon de variété cascade, qui est un peu universel : nous en infusons une partie pendant 30 minutes pour apporter l’amertume et une autre partie pendant 8 minutes pour apporter les arômes.
Mais n’hésitez pas à tâtonner pour trouver votre dosage. Vous pouvez aussi essayer différents types de malt, et différents types de houblon.
Kéfir aux saveurs de bière
Équipement
- 3 bouteilles à fermeture à clip
- 1 flacon en verre de 3 litres
- 1 filtre ou une passoire fine en plastique
Ingrédients
- 80 g malt ambré en poudre
- 3 pellets de houblon
- 80 g grains de kéfir
- 150 g sucre en poudre
Instructions
- Diluez les 80 g de malt dans 50 cl d’eau.
- Faites bouillir.
- Ajoutez 1 grain de houblon (si possible dans un filet, les sachets pour le thé sont parfaits pour cela).
- Faites infuser à petits bouillons pendant 30 minutes.
- Ajoutez 2 grains de houblon dans un autre sachet.
- Laissez sur le feu pendant 8 minutes, remuez de temps en temps.
- Filtrez votre préparation, conservez le liquide.
- Préparez 2,5 litres d’eau dans votre bocal.
- Ajoutez-y 150 g de sucre en poudre, remuez pour dissoudre le sucre.
- Versez-y votre infusion refroidie, remuez.
- Ajoutez 80 g de grains de kéfir.
- Recouvrez le bocal sans le fermer hermétiquement.
- Mettez-le à température ambiante et à l’obscurité pendant 2 à 3 jours. C’est la première fermentation.
- Prenez votre bocal. Les choses un peu bizarres en surface sont normales, enlevez-les. Remuez pour homogénéiser le contenu du bocal.
- Mettez en bouteille, en utilisant un filtre assez fin. On déconseille le métal pour le kéfir, il faut donc une passoire fine en plastique. Nous avons trouvé un filtre à café à utiliser dans papier, ça marche assez bien.
- Vous pouvez déjà goûter votre breuvage, il n’a pas beaucoup de bulles, il est un peu trop sucré, mais il offre déjà sa saveur.
- Récupérez vos grains de kéfir, rincez-les à l’eau et conservez-les dans un bocal d’eau au frigo, il serviront pour une prochaine tournée.
- Bouchez vos bouteilles et mettez-les à l’abri de la lumière. La deuxième fermentation commence : les sucres qui restent vont être transformé par les ferments en suspension et transformés en gaz carbonique.
- Ouvrez tous les jours vos bouteille pour les dégazer, cela leur évitera d’exploser. Les bouteilles à clip de bonne marque sont prévues pour que le ressort se détendent et laisse s’échapper le gaz avant que la pression fasse éclater la bouteille, mais on ne sait jamais… PS. Vous n'allez pas nous croire : 15 minutes après avoir écrit, ceci, boum ! Une bouteille de kéfir oubliée a explosé dans notre placard. Une bouteille à clip de bonne marque, oui oui. Surveillez donc boien vos bouteilles, dégazez-les tous les jours, et ne les oubliez pas !
- Au bout de 2-3 jours, la fermentation devait être suffisante : ouvrez une bouteille et goûtez : si les bulles et le niveau de sucre vous conviennent, c’est prêt !
- Mettez alors vos bouteilles au frigo, cela ralentira la fermentation.
Waouh, merci bcp pour la recette, le résultat est assez bluffant !
Ça ouvre tout un nouveau champ de tests à faire avec le kefir :)
Petite question : pourquoi faire infuser le malt et le houblon dans seulement une partie de l’eau ? Pour une meilleure concentration du goût ?
Merci à vous, et n’hésitez pas à nous faire part de vos essais !
L’infusion dans peu d’eau, c’est pour des raisons pratiques, c’est plus facile de faire bouillir 50 cl d’eau que 3 litres, et ça évite d’attendre des heures que le mélange refroidisse avant d’y mettre le kéfir.
Bonjour,
Je trouve votre recette très intéressante. Je l’ai testée une première fois mais les saveurs sont restées légères. De plus j’ai crains de fatiguer les grains de kéfir dans cette préparation.
Donc j’utilise plutôt 100g d’extrait par litre de kéfir et 10g de pellets/cones par litre. je mets seulement 30g de sucre par litre parce que j’ai l’impression que le kéfir consomme le malt comme du sucre.
Pour ne pas fatiguer mes grains, je prépare le kéfir-bière à partir d’un tibiscos déjà prêt avec lequel j’ensemence la préparation et je met directement en 2eme fermentation (comme pour un kéfir de jus de fruit).
Mon entourage valide!
voilà pour mon retour et encore merci
Merci de ce témoignage ! Il est bien possible en effet que les grains de kéfir se « fatiguent »… Et oui, le kéfir consomme avidement le malt (qui est un sucre lent), on pourrait même peut-être se passer de sucre.
Vous faites un premier kéfir standard, et ensuite vous ajoutez le malt et le houblon pour la deuxième fermentation, c’est bien ça ?
Bonjour!
Pour faire 1 litre de kéfir-bière, vous reduisez la quantité d’eau que vous mettez avec les 100g de malt et les 10 g de pellets ? Je veux dire ,vous ne mettez pas les 50 cl prévus dans la recette initiale ?: puisque celle-ci est prévue pour 2,5 L
Pouvez-vous me dire quelle quantité vous utilisez?
Merci!
Etant adepte des deux breuvages (bière et kéfir), comment alors obtenir une véritable bière-kéfir « alcoolisée » et sans gluten ? Question que j’admets compliquée mais cela donnerait une note plus festive au kéfir et un grain plus « identique » à ce dernier du fait que le gluten soit un poison. Dans votre recette avec le malt d’orge, le gluten de l’orge apparaît comme étant un paradoxe aux fonctions vitales du kéfir, vous ne trouvez pas ? :) Ce n’est bien entendu pas une critique mais un constat. Bien à vous et félicitation pour ce qui peut paraître comme étant les prémices de nouveaux procédés de fabrication de bières à but « médicinale ».
Très intéressant, me reste à trouver du kéfir;)