La queue de langoustine bien fraîche et cuite à point, c’est un petit bijou gustatif. C’est ferme, on a presque envie de dire croquant, puis c’est fondant, ça offre un goût à la fois frais et profond, simple et complexe, oui, tout ça est contradictoire, c’est la magie de ce joli crustacé.
Mais attention, c’est fragile, une langoustine, ce n’est pas pour rien qu’on la surnomme la Demoiselle de Loctudy (ou de Lesconil, ou du Guilvinec, chaque port revendique ce privilège). Elle exige les meilleurs soins : si on veut en profiter pleinement, il faut la connaître. C’est parti pour quelques explications…
Un joli petit monstre
Cette demoiselle est timide — elle se cache dans des terriers creusés dans la vase fine — et taillée pour le combat.
C’est dans ces sédiments que la langoustine creuse son terrier, elle y reste toute la journée et sort au crépuscule ou à l’aube pour chercher sa nourriture sur le sol.
Alors le monstre se révèle : ses grandes pinces lui servent à se défendre, mais regardez bien ses pattes : les premières se terminent par de petites pinces qui lui servent à déchiqueter ses proies (crevettes, mollusques, étoiles de mer…).
Sa tête très cuirassé s’orne d’un rostre piquant et coupant qui la protège des coups de dents de ses prédateurs (lotte, merlu…). Mais sa défense, c’est d’abord la fuite : un vigoureux coup de queue la projette en arrière dans une formidable accélération. D’où le volume du muscle, c’est lui qui nous intéresse, c’est lui que vise son principal prédateur, l’homme.
La pêche à la langoustine
En France
En France, on la pêche sur la Grande Vasière, une zone qui s’étend à une distance moyenne de 40 km des côtes, depuis le Sud-Finistère jusqu’à La Rochelle, à une centaine de mètres de profondeur. C’est donc au chalut qu’on peut la pêcher, au moment où elle sort de son terrier.
Les bateaux des ports du Sud Finistère partent pour une marée d’un ou deux jours. Ils chalutent au coucher du soleil et au lever du jour.
Les bateaux sont équipés de viviers réfrigérés et oxygénés.
Ils débarquent au port entre minuit et trois heures du matin, la vente à la criée débute à 3h30, et les langoustines arrivent sur les étals des poissonniers du Grand Ouest dès l’ouverture. Elles sont alors bien vivantes.
En mer celtique
Les bateaux français vont parfois pêcher en mer celtique et en mer d’Irlande, avec la même technique. Les marées sont plus longues (une ou deux semaines), ce qui ne permet pas de ramener des langoustines vivantes.
En Écosse
Les Écossais pêchent la langoustine en zone côtière, par des fonds de 10 à 20 m, au casier, ce qui assure une excellente qualité.
Elle est expédiée vivante avec d’infinies précautions, un peu partout dans le monde, souvent par avion (!), à destination de grossistes en restauration. Elle est également congelée sur place.
La fraîcheur
La langoustine vivante
Mais alors, est-ce si important de commercialiser la langoustine vivante ? Oui, et plus encore, la langoustine sera vraiment excellente si vous la cuisez encore vivante (oui, c’est terrible, mais finalement pas davantage qu’une lente agonie).
C’est donc toute la chaîne, depuis le pêcheur jusqu’au poissonnier, en passant par la criée et le transporteur, qui fait des efforts énormes pour apporter sur l’étal une langoustine vivante malgré son extrême fragilité.
La langoustine glacée
L’autre solution, c’est la langoustine « glacée », c’est-à-dire conservée dans des paillettes de glace comme on en voir sur les étals des poissonniers. Mais cela ne suffit pas, elles sont traitées avec des conservateurs (sulfites) qui, rassurez-vous, ne sont pas dangereux. Mais la langoustine glacée est bien moins bonne que la vivante, cela concerne le goût comme la texture.
Bien acheter et conserver la langoustine
La saison des langoustines
La langoustine est pêchée toute l’année, la meilleure période court de mars à octobre. En dehors des cette période, elle sera tout aussi bonne, mais plus chère. Au moment des fêtes, son prix a tendance à exploser.
Quelle langoustine acheter ?
La langoustine glacée est moins chère, c’est aussi la seule disponible dans les régions éloignées des lieux de pêche.
Si vous avez la chance de pouvoir acheter des langoustines vivantes, surtout faites en sorte qu’elles le restent jusqu’au moment de la cuisson ! La langoustine est extrêmement sensible aux variations de température, à la lumière, aux chocs et au manque d’oxygène. Vous pouvez très bien acheter des langoustines frétillantes sur l’étal du poissonnier et les trouver mortes quand vous allez les déballer à la maison. Donc :
- manipulez-les avec précautions, évitez tous les chocs et les écrasements
- ne les déposez pas dans le fond du chariot ou du sac de courses
- si le poissonnier les a mises dans un sac plastique ou un sachet soudé, ouvrez-le, pour qu’elles puissent respirer
- Dès votre arrivée à la maison, cuisez-les (3 minutes à l’eau bouillante salée, voyez notre article sur la cuisson des langoustines pour plus de détails)
Les calibres
Les langoustines sont triées en calibres, dont la nomenclature n’est pas toujours très claire. Ça n’est pas grave, on peut constater leur taille sur les étals. Plus elles sont grosses, plus leur prix est élevé, ça ne veut pas dire qu’elles sont meilleures, mais elles sont plus faciles à manger.
Comment manger les langoustines
Le meilleur, c’est le plus simple, comme d’habitude : servez-les nature, chaque convive se débrouille :
- On commence par séparer la queue de la tête.
- On détache un ou deux premiers anneaux de la carapace.
- On tire, le muscle vient entièrement, on n’a plus qu’à le savourer. L’importance de la fraîcheur, elle est là : si la langoustine était morte, la queue se délite. C’est bon quand même, mais c’est plus difficile à manger.
- Si on est patient, on peut casser les pinces pour en retirer la chair.
- Si on est connaisseur, on peut extirper le « corail » que l’on trouve parfois dans la tête, ce sont des œufs en formation, c’est plutôt bon.
- Si on est gourmand sans retenue, on peut sucer la tête !
- Quant aux œufs, curieusement personne n’en parle. Ils sont noirs sur la langoustine vivante et deviennent rouge à la cuisson. J’y ai goûté, c’est plutôt bon, mais je n’ai pas osé aller plus loin, on ne sait jamais.
Mayo ou pain-beurre
C’est la tradition : on sert de la mayonnaise avec les langoustines. Alors, bien sûr, c’est bon, mais on masque quand même un peu le goût si délicat de la langoustine.
Je vous conseille plutôt le pain-beurre. Pas un sandwich aux langoustines, bien sûr, non non, on alterne : on déguste une ou deux langoustines, on mange un peu de pain-beurre, ça meuble, ça permet une petite pause, on a un contraste entre la rusticité de l’un et la délicatesse de l’autre.
Et le reste ?
Le rendement de la langoustine est très médiocre, le muscle de la queue fait 15 à 20 % du poids de la bête. Non non, n’en calculez pas le prix, ça fait trop mal.
Mais le reste, on le jette ?
Surtout pas ! On oublie un peu les convenances et, en cachette, on récupère les assiettes des convives, on garde bien les pinces, la tête entière, et même la carapace de la queue. On va pouvoir en faire une sauce, une soupe ou une bisque, toutes trois merveilleuses. Pas forcément là tout de suite : on peut très bien congeler tout ça pour le préparer plus tard.
Nos recettes de langoustines
Le meilleur, c’est nature, on l’a dit. Mais on peut aussi jouer en cuisine avec les langoustines, voici quelques exemples de recettes, vous y trouverez aussi les recettes de bisque et de sauce.