En Bretagne, le pêcheur à pied néglige la moule. Il faut dire que détacher une moule de son rocher demande des efforts qui ne sont guère récompensés : la moule d’estran est rarement bien remplie et sa chair est plutôt coriace. Non, vraiment, la moule d’élevage est bien plus savoureuse, et en plus elle est économique.
La production de moules en Bretagne
La Bretagne est la deuxième région productrice de France, après la Normandie. Elle en produit près de 20 000 tonnes par an, sur les 60 000 tonnes françaises. Pas mal.
Malheureusement, les terroirs et des modes d’élevage ne sont pas toujours mis en valeur. Les producteurs n’en ont sans doute pas besoin, la demande en moules-frites est tellement importante et grandissante !
Dommage, il y a pourtant beaucoup à dire et à valoriser.
Terroirs et modes de production
La moule est, comme l’huître, un coquillage filtreur. Elle se nourrit de plancton. Il lui faut donc, pour bien grandir, un milieu riche en plancton.
C’est le cas des estuaires : le mélange eau douce – eau de mer est très favorable. C’est pourquoi on y implante des pieux où l’on fixe les moules. Les grandes baies bien plates, avec une largeur d’estran importante, conviennent bien à ce type d’élevage. À chaque marée basse on peut accéder aux pieux pour y travailler.
On peut aussi élever les moules comme les huîtres, dans des poches posées sur des tables.
La pleine mer peut aussi convenir, sur des sites particuliers suffisamment riches en plancton. On n’y atteint pas la concentration des estuaires, mais cela est compensé par le fait que les moules sont constamment immergées, et qu’elles se nourrissent donc en permanence, contrairement aux moules de bouchot. On les élève alors sur filières, qui sont des cordes immergées.
Terroirs remarquables
L’AOP Moules de bouchot de la baie du Mont Saint-Michel
Les mytiliculteurs de la baie du Mont Saint-Michel ont obtenu l’Appellation d’origine protégée en 2016 (AOC et AOP). Un terroir remarquable, bien sûr, cette zone qui connaît les plus grands marnages. Mais aussi une démarche de qualité exigeante, avec un taux de chair garanti et un nettoyage très soigné. La baie produit 10 000 tonnes par an, soit 20% de la production française.
Ci-dessous, le film réalisé par le Comité AOP présente l’ensemble du métier, depuis le captage sur cordes en Charente, l’installation des cordes sur les pieux, l’entretien et la surveillance, les tests de dégustation préalables à l’ouverture de la saison, la récolte (qu’ils appellent la pêche), puis la préparation et le conditionnement.
La baie de Saint-Brieuc
Avec une longueur de 93 km de bouchots, la baie briochine fournit près de 10 % de la production annuelle française.
La moule de Locquémeau
Une toute petite production originale lancée en 2010 par Jean-Yves Coatanlem.
Les moules sont élevées sur corde, au large en baie de Lannion. Constamment immergées, elles peuvent se nourrir en permanence. Elles ont ainsi une croissance rapide et sont bien pleines.
Jean-Yves Coatanlem élève deux types de moules : la classique edulis, et la Gallo, une espèce indigène très grosse, parfaite pour les moules farcies. C’est une moule de printemps, que l’on trouve en avril-mai.
Les moules des abers
Elles grandissent en poches dans l’aber Benoît, mélange d’eau douce et d’eau de mer.
Les Viviers de Ber ar Vil, à Landéda, proposent également une production de moules de cordes de pleine mer.
La rade de Brest
Sur corde, en poches ou sur bouchots. Une production menacée par les attaques de daurade royale et par une bactérie.
Les moules de bouchot de Pénestin
Trente mytiliculteurs produisent une moule de bouchot très appréciée, et dont la réputation est portée par la confrérie des Bouchoteurs de Pénestin.
La Plainaise en Loire Atlantique
Les six mytiliculteurs de La Plaine-sur-Mer ont baptisé leur production « La Plainaise ». Une moule de bouchot qui profite bien du mélange des eaux de l’Atlantique avec celles de la Loire.
Comment préparer, comment cuisiner les moules
Nettoyer les moules, une sacrée corvée ! Ça, c’était autrefois. Les mytiliculteurs de la baie du Mont Saint-Michel ont ouvert le bal avec l’obtention de l’AOC : ils livrent leurs moules bien propres et surtout débarrassée du byssus, ces filaments tenaces et coriaces. Les autres producteurs ont emboîté le pas, les débyssusseuses (oui, c’est comme ça qu’on dit) se sont généralisées et aujourd’hui la plupart des moules sont prêtes à être cuisinées après un simple rinçage.
La cuisson des moules est on ne peut plus simple : on les met dans une casserole à feu vif, on touille, les coquillages s’ouvrent et rendent suffisamment d’eau pour assurer la cuisson.
C’est cuit en quelques instants (surtout, comme tous les produits de la mer, ne pas trop les cuire !), ça s’appelle la moule marinière, à laquelle on peut ajouter des oignons, du vin blanc, de la crème et tout plein de joyeusetés que nous vous détaillons dans notre article Mille et une moules marinières.
Comment ça se mange, comment ça se range
Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, les moules se mangent avec les doigts. On extrait la première comme on peut, puis on utilise sa coquille comme une pince pour saisir la suivante. Une pince dont on dirait qu’elle a été conçue pour ça, la nature est bien faite. Au bout d’une vingtaine de gestes, la charnière de cette première coquille commence à lâcher, pas grave, on en prend une autre, on a l’embarras du choix.
Au restaurant, on vous fournit une gamelle pour jeter les coquilles, ça prend une place énorme, le volume de déchet est faramineux, heureusement que c’est biodégradable.
Quand on est bien élevé, on range donc soigneusement ses coquilles au fur et à mesure, emboîtées les unes dans les autres, et on peut ainsi en manger des tonnes sans passer pour un goujat.
La moule, la frite, la bière
La moule appelle la frite, on se demande bien pourquoi un tel succès. Stéphane Spoiden l’explique de manière savoureuse dans un texte qui figure sur le site du Musée de la gourmandise belge. On ne résiste pas à l’envie de vous citer quelques extraits :
Le Moules-frites n’est rien de moins qu’une aberration baroque d’un point de vue gastronomique et diététique (…) Spécialité hybride et abâtardie qui cultive le paradoxe comme son pays d’origine, le moules-frites est un plat sans unité. (…) Un compromis à la belge, élevé jusqu’à une forme d’art de l’absurde dans la politique belge… https://www.gastronomica.be/fr/component/content/article/166-la-revelation-des-moules-frites
Mais bon, on aime ça, les moules-frites, et de plus en plus. Chaque été, dans les restaurants de la côte, on en consomme des tonnes. Ce qui a conduit les mytiliculteurs à avancer leur saison qui autrefois commençait en juillet.
Le crabe des moules
Le pinnothère est un crabe minuscule, surnommé petit pois, qui a choisi d’habiter le doux cocon du mollusque. On ne sait pas trop s’il y fait des dégâts. Toujours-est-il qu’il craque sous la dent du gastronome.
Vous avez remarqué ? On en trouve beaucoup moins qu’avant… C’est parce que les producteurs de moules prennent les précautions qui s’imposent pour éviter leur présence, notamment en protégeant le bas des pieux.
La moule côté kilos
La moule est un aliment exceptionnel, rassasiant car riche en protéines. Elle est source de nombreux oligo-éléments (sélénium, iode, manganèse, fer), vitamines (A, E, B2 et B12), DHA et EPA. Pauvre en lipides, à prédominance de graisses insaturées, c’est dont une championne de l’omega-3 !
Bref, on on mange tant qu’on veut ! Elle est tellement parfaite qu’on peut même l’accompagner d’un peu de frites sans culpabiliser.
(Source Institut de Recherche du Bien-Être de la Médecine et du Sport Santé)
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